vendredi 3 septembre 2010

ABSURDISTAN – note 1 : le Grand Roque


Emil Boc, premier ministre potiche d’Absurdistan, a rendu publique hier « sa » décision, ratifiée par « son » Parti Démocrate Libéral (PDL), de remanier six ministres de « son » gouvernement, dont les barons PDL Adrian Videanu (économie) et Radu Berceanu (transport) et un ministre non-membre du parti : Sebastian Vlădescu (finances), présenté comme un économiste à fibre libérale personnellement proche du président Traian Băsescu (ipse dans l’usage latin, antécédent de la plupart des possessifs d’usage non impropre employé à propos d’institutions bsurdes).
L’interprétation qui domine la presse roumaine pro-Băsescu (et notamment les quotidiens Evenimentul Zilei et Jurnalul Naţional) – et qui ne manquera donc pas d’encombrer dès ce soir la presse française sous forme d’encarts en marge d’articles de fond sur l’évolution des labels halal – consiste à voir dans cet épisode un virage majeur dans la vie politique bsurde des deux dernières années, télénovellistiquement intitulé « la rupture Boc-Băsescu », sous prétexte que le remaniement affecte aussi Sebastian Vlădescu, protégé de Băsescu, et qu’il a suscité l’insatisfaction bruyante d’Elena Udrea.

{ENCART FARMVILLE : en effet, les mâles alphescu (dits « Dominators ») de l’Absurdistan sont généralement des lâches rusés, comploteurs et rancuniers vivant en état de dépendance psychosexuelle avec une chaudasse blonde insolente portant le titre rituel d’« Elena », ce qui, le cas échéant, permet entre autres de la distinguer d’une éventuelle épouse civile du Dominator, comme la Maria de Băsescu. L’Elena de Băsescu, surnommée Udrea, est actuellement ministre du développement régional et du tourisme dans le gouvernement Boc.)}

Annoncé par un mois de rumeurs, érotisé par une série de fuites savamment orchestrées, ce remaniement intervient au moment où le PDL, parti de gouvernement créé ad hoc pour servir les intérêts de Băsescu, vient d’atteindre un minimum historique de popularité, à la veille d’une motion de censure que le gouvernement pouvait perdre, compte tenu de l’inquiétude croissante des jeunes parlementaires de la majorité qui craignent la vindicte populaire et ont besoin d’au moins une réélection pour atteindre leurs « objectifs politiques » (à savoir : 1) s’en foutre plein les fouilles, 2) s’en foutre plein les fouilles et 3)… devinez !). Sa conception et son exécution confirment à mon sens l’habileté politique de Traian Băsescu, dont le génie stratégique de couture authentiquement byzantine apparaît pleinement dans ce mouvement auquel même le Cardinal de Retz aurait probablement concédé l’attribut de finesse. J’ajouterais pour ma part : lucidité et préméditation.


Lucide, Băsescu connaît bien son électorat et a conscience de sa disparité sociologique. Le Grand Roque opéré hier lui permet d’espérer un regain de popularité dans les deux principaux sous-groupes dudit électorat :
*directement, auprès de son fan-club personnel de ruraux et d’urbains peu éduqués et peu politisés, une sociologie créolisée de bistrot et de manele (link ci-dessous vers une video électorale du maneliste Nicolae Guţa), qui retiendra principalement de cet épisode que son idole est désormais en conflit avec un premier ministre mutiné (comme deux ans auparavant avec Călin Popescu Tăriceanu) qu’il ne peut pas destituer, donc coupé des leviers du pouvoir, et par conséquent relativement peu responsable des futures erreurs de l’exécutif, condamné à en commettre quotidiennement dans un contexte économico-budgétaire de faillite d’état imminente et de grave déficit de compétence, pour cause de clientélisme généralisé.

http://www.youtube.com/watch?v=E8SQWJgkXR0&feature=related
*indirectement, auprès d’un électorat PDL à motivations socio-idéologiques : la classe moyenne hors-sol constituée d’urbains semi-doctes et « anti-communistes » qui continuent en dépit de l’évidence sensible à croire à ses slogans de « lutte contre la corruption » ; plus encline que le groupe précédent à voir la malversation, plutôt que la maladresse, à l’origine du naufrage des institutions, cette catégorie d’ex-futurs yupies bien aigris par la crise a été particulièrement sensible à la campagne de diabolisation des « barons » PDL, organisée dans un pur style maoïste par le tandem Băsescu-Udrea au cours des cinq derniers mois, campagne dont même la presse d’opposition s’est rendue inconsciemment complice en amplifiant des rumeurs probablement téléguidées sur l’opulence et la corruption des barons. Compte tenu des capacités d’auto-aveuglement surhumaines de ce groupe, que je caractériserais subjectivement comme « le plus sordide ramassis de larves décérébrées de l’histoire moderne », le remplacement d’une demi-douzaine de pantins par une demi-douzaine de pantins encore plus insignifiants aura probablement suffi à Băsescu pour gagner au moins deux mois de sursis dans l’effondrement de la popularité du gouvernement. Et il obtient cet effet sans même avoir à sacrifier sa reine : le premier ministre téléguidé Emil Boc, dont le sacrifice rituel, prévisible à l’horizon de janvier 2011, constitue une cartouche de diversion encore intacte dans son barillet.


Prévoyant, Băsescu a prémédité son coup, non seulement à partir du printemps 2010 par la mise en scène d’une scission interne entre « réformateurs » virevoltant autour d’Elena Udrea comme mouches sur leur bouse et « camp des barons », mais aussi, dès décembre 2009 (et probablement encore plus tôt), en gonflant de sa propre main la baudruche Vlădescu, dotée d’une visibilité médiatique à la mesure du surdimensionnement de son égo et de son bide, quoique parfaitement neutre d’un point de vue opératif (la politique financière du pays étant, depuis qu’il est ministre, le résultat d’un marchandage impitoyable entre Băsescu et des puissances tutélaires avançant sous le masque du FMI/Banque mondiale). Titulaire du portefeuille « cœur de cible » des finances, particulièrement sensible en période d’accroissement de la pression fiscale sur une population appauvrie et de restrictions budgétaires massives, Vlădescu était de toute façon assis sur un siège éjectable ; mais sa non-appartenance au PDL, et la mise en scène façon « secret de polichinelle » de ses accointances avec Băsescu en ont fait une cartouche à fragmentation : prima donna dans l’opéra-bouffe « punition des mauvais ministres », il sert en même temps de personnage-clé à l’épisode de politique fiction « Boc se révolte contre Băsescu » : exorcismes en série et en parallèle.

L’aspect le plus controversé – et donc probablement le mouvement le plus subtil – de ce Grand Roque concerne la réaction d’apparente déception courroucée d’Elena U, réclamant devant le parti la démission en bloc du gouvernement Boc (ou peut-être la démission en boc du gouvernement Bloc, tant les lèvres lui tremblaient).
Probablement influencé dans ce choix par la haine déclarée qu’il voue au pseudo-couple présidentiel, l’analyste Mircea Badea a proposé un scénario dans lequel Băsescu, après avoir promis à sa concubine un changement de gouvernement débouchant sur sa nomination comme premier ministre, se serait, par manque de confiance en elle, ravisé sans l’en prévenir. Même si tel était le cas, gageons que Băsescu a probablement calculé les effets de cette surprise, la « crise de nerfs » d’Elena ne pouvant que contribuer à rendre le show encore plus crédible.
Cependant, cette explication me semble hautement invraisemblable, d’abord et avant tout, parce qu’Udrea n’est probablement pas assez stupide pour vouloir occuper le fauteuil de Boc au pire moment du festival de tir forain antigouvernemental, alors qu’il est même évident que l’un des principaux gains de l’opération pour Băsescu consiste à avoir su conserver un premier ministre à jeter prochainement aux lions du mécontentement populaire. Dans ces conditions, courir le risque de réactions incontrôlées ressemble si peu aux habitudes de Băsescu qu’il me semble évident qu’Udrea est du côté de la mise en scène : instruite du scénario, elle a méticuleusement appris son rôle et contribué en connaissance de cause au succès de la scénette.

Dans un autre registre, en revanche, force m’est de donner raison à Badea : compte tenu de l’intelligence machiavélique du personnage, le degré de dépendance de Băsescu vis-à-vis d’Udrea, sa fidélité à un pion dont le sacrifice dostoïevskien (« la tentatrice immolée »), en termes de rentabilité image, dépasserait probablement toutes les autres manœuvres de diversion passées et à venir du génial prestidigitateur, laissent effectivement rêveur. Pour citer Badea : « je ne sais pas ce qu’elle fait, mais elle le fait bien ».

Da ist nun einer schon der Satan selber
Der Metzger: er! und alle andern: Kälber!
Der frechste Hund! Der schlimmste Hurentreiber!
Wer kocht ihn ab, der alle abkocht? Weiber!
Das fragt nicht, ob er will — er ist bereit.
Das ist die sexuelle Hörigkeit.

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