Après quelques tentatives peu convaincues, et d’ailleurs effectivement vaines, pour vendre à la presse française (et notamment à Courrier International, qui m’a poliment répondu, sans probablement mesurer l’ampleur de la vérité énoncée, que « nous n’avons aucun poste à pourvoir correspondant à votre profil ») mon expertise carpato-danubienne, dont elle n’a naturellement aucun besoin, d’une part parce que le continent France dérive à grande vitesse dans une direction opposée à celle de l’Europe, d’autre part parce ladite expertise est essentiellement fondée sur une connaissance concrète et prolongée du terrain et la maîtrise des langues locales, qualités généralement suspectes dans cette capitale mondiale de l’idéologie que reste Paris – après avoir concédé l’art à New-York et même le sexe à Budapest, un label de qualité du handjob journalistique, c’est toujours ça – j’ai finalement décidé, comme tous les autres frustrés du photocomposé périclitant, de badigeonner la toile de ladite expertise, gratis et pro malo, c'est-à-dire moins dans l’espoir de rentabilisation a posteriori qui possède la plupart desdits frustrés que pour le pur bonheur d’humilier devant un public choisi tous ces balkanologues et carpathosophes salariés de l’intelligentsia francophone, facilement reconnaissables, outre leur prononciation hypercorrecte des noms propres locaux (les seuls mots de la langue qu’ils comprennent), à une vaste collection de diplômes obtenus à au moins mille kilomètres de l’objet supputé de leurs pseudo-études et à une totale incapacité de prédiction concernant l’avenir de leur zone d’expertise.
Que les visiteurs du blog qui le fréquentaient jusqu’ici pour s’informer de diverses péripéties de ma vie privée (naturellement plus intéressante que la vie politique roumaine) ou profiter des retombées philanthropiques de mon génie gastronomique se contentent de sauter ces pages dont il reconnaîtront néanmoins que leur ennui hyperbolique, sous ma plume à moi, ne peut être qu’un symptôme univoque de l’adaequatio rei et intellectus.
Pour les autres lecteurs : dans une fidélité toute alsacienne à l’esprit de l’empirisme et en hommage à l’indéniable succès commercial de Farmville, je vous propose de construire un pays du tiers-monde proche : l’Absurdistan. Comme tous les pays, l’Absurdistan a des frontières, permettant la contrebande, et comme pour la plupart des états représentés à l’ONU, le tracé de ces frontières a pour principale justification géographique, ethnique et politique un sombre marchandage réalisé à un moment ou à un autre du siècle écoulé entre les chancelleries de Paris, Londres et Washington. Comme dans la plupart de ces états, la politique « nationale » n’a jamais (il serait plus correct, mais infiniment moins réaliste, de dire « pas encore ») dépassé le stade néo-patriarcal du pouvoir personnel à rhétorique paternaliste. Dans le rôle du mâle alpha, un « président de la république » nommé Traian Băsescu, mâle alpha dont la calvitie et le strabisme suffisent à suggérer que, sexuellement, son ethnie reste assez loin des égarements postmodernes de la métrosexualité et du decapriotisme. En dépit de divers fétiches et breloques législatives en provenance du Monde Réel (dont une « constitution » lui assignant, entre autres balivernes, un rôle diplomatique et arbitral à l’écart des luttes politiciennes), il va de soi qu’il sera, jusqu’à ce que la meute le chasse du centre de la cage (soit, en langues coloniales : « suspension », « démission », « passation de pouvoir »), le personnage principal de ces chroniques. Le centre de la cage est localement connu sous le nom de Bucarest-la-Joyeuse ; c’est en général le seul endroit d’Absurdistan connu – quoique lui aussi, plutôt par ouï-dire – des experts à qui vous devez l’essentiel de vos informations quotidiennes sur ce pays. Dans une phase ultérieure du développement de ce blog, j’introduirai des fonctionnalités ludiques vous permettant, en échangeant des matières premières virtuelles et des financements européens avec d’autres oisifs blogomanes, de doter progressivement Bucarest d’un réseau d’égouts, de construire des routes et d’électrifier des voies ferrées centenaires pour la relier aux autres villes principales du pays, d’y supprimer l’exorcisme et la violence conjugale et de déterminer au million près combien de tziganes vivent en Olténie. A terme, l’Absurdistan deviendra peu à peu un pays comme le votre, stérile et chiant, plein de féministes malbaisées, de lounges non-fumeur, d’industries chimiques et de magasins bios. Dieu merci, nous n’en sommes pas là.
Que les visiteurs du blog qui le fréquentaient jusqu’ici pour s’informer de diverses péripéties de ma vie privée (naturellement plus intéressante que la vie politique roumaine) ou profiter des retombées philanthropiques de mon génie gastronomique se contentent de sauter ces pages dont il reconnaîtront néanmoins que leur ennui hyperbolique, sous ma plume à moi, ne peut être qu’un symptôme univoque de l’adaequatio rei et intellectus.
Pour les autres lecteurs : dans une fidélité toute alsacienne à l’esprit de l’empirisme et en hommage à l’indéniable succès commercial de Farmville, je vous propose de construire un pays du tiers-monde proche : l’Absurdistan. Comme tous les pays, l’Absurdistan a des frontières, permettant la contrebande, et comme pour la plupart des états représentés à l’ONU, le tracé de ces frontières a pour principale justification géographique, ethnique et politique un sombre marchandage réalisé à un moment ou à un autre du siècle écoulé entre les chancelleries de Paris, Londres et Washington. Comme dans la plupart de ces états, la politique « nationale » n’a jamais (il serait plus correct, mais infiniment moins réaliste, de dire « pas encore ») dépassé le stade néo-patriarcal du pouvoir personnel à rhétorique paternaliste. Dans le rôle du mâle alpha, un « président de la république » nommé Traian Băsescu, mâle alpha dont la calvitie et le strabisme suffisent à suggérer que, sexuellement, son ethnie reste assez loin des égarements postmodernes de la métrosexualité et du decapriotisme. En dépit de divers fétiches et breloques législatives en provenance du Monde Réel (dont une « constitution » lui assignant, entre autres balivernes, un rôle diplomatique et arbitral à l’écart des luttes politiciennes), il va de soi qu’il sera, jusqu’à ce que la meute le chasse du centre de la cage (soit, en langues coloniales : « suspension », « démission », « passation de pouvoir »), le personnage principal de ces chroniques. Le centre de la cage est localement connu sous le nom de Bucarest-la-Joyeuse ; c’est en général le seul endroit d’Absurdistan connu – quoique lui aussi, plutôt par ouï-dire – des experts à qui vous devez l’essentiel de vos informations quotidiennes sur ce pays. Dans une phase ultérieure du développement de ce blog, j’introduirai des fonctionnalités ludiques vous permettant, en échangeant des matières premières virtuelles et des financements européens avec d’autres oisifs blogomanes, de doter progressivement Bucarest d’un réseau d’égouts, de construire des routes et d’électrifier des voies ferrées centenaires pour la relier aux autres villes principales du pays, d’y supprimer l’exorcisme et la violence conjugale et de déterminer au million près combien de tziganes vivent en Olténie. A terme, l’Absurdistan deviendra peu à peu un pays comme le votre, stérile et chiant, plein de féministes malbaisées, de lounges non-fumeur, d’industries chimiques et de magasins bios. Dieu merci, nous n’en sommes pas là.
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