lundi 2 janvier 2012

1956 RELOADED : infowar Hungary

Longtemps avant le Blitz médiatique lancé (pour des raisons d’urgence financière, dans le contexte de l’opération de spoliation-éclair lancée lors du Sommet de Bruxelles contre les fonds de réserve des banques centrales de l’UE hors-euro) en décembre dernier contre le gouvernement hongrois de V. Orbán, j’avais, dès l’été 2011, bruyamment refusé de me joindre à la campagne – à connotation puissamment « orange » – organisée contre ce même gouvernement au nom de la « liberté de la presse ».
Pour ne pas vexer divers amis à tendances gauchistes sensibles au charme de ce fétiche petit-bourgeois par excellence, je coupais court au débat, en leur expliquant qu’en l’absence d’opinions publiques arrivées à maturité civique, aucun pays postcommuniste n’a jamais eu de presse « libre » ou « indépendante » de masse, pas plus avant l’adoption du Médiatörvény hongrois qu’après.
Sans me dédire, je crois pourtant le moment venu de motiver mon refus de façon plus substantielle : au-delà de la possibilité de fonder de nouveaux titres de presse, la « liberté de la presse » ne peut ni doit constituer une simple extrapolation de la liberté (individuelle !) d’expression à l’entreprise médiatique qu’est, par exemple, un quotidien de presse écrite, pour les même raisons qui font que rien dans l’histoire du droit démocratique occidental ne justifie l’attribution de droits spécifiquement personnels (comme le vote ou l’opinion politique) à des personnes morales.
En d’autres termes : du jour où on confond « liberté de la presse » et « impunité de la diffamation politique » – comme c’est hélas le cas dans la plupart des pseudo-démocraties occidentales – la démocratie n’est plus qu’un vain mot : cette presse-là est « libre » (y compris de diffamer des Etats), parce que ses propriétaires (nationaux ou internationaux) pèsent plus lourd dans la décision politique du pays qui l’héberge que l’électorat dudit pays. Dans toute autre situation, dans tout pays voulant laisser une chance à sa démocratie, le mensonge politique patent doit être punissable, surtout quand il a pour support des médias de masse.
Quand le quotidien français Libération, sous la plume de Florence La Bruyère, annonce qu’au terme des dernières réformes constitutionnelles obtenues en Hongrie par la majorité des deux tiers dont dispose, constitutionnellement, le parti FIDESZ actuellement au pouvoir, ce même parti pourra, lors de prochaines élections, remporter « 75% des sièges avec 25% des voix » (en oubliant soigneusement de préciser que cette formulation repose sur un présupposé hautement inhabituel dans l’analyse électorale francophone : celui de calculer la « part de marché » d’un acteur électoral sur le total des inscrits, et non sur le total des voix exprimées), il pratique de toute évidence la désinformation dans la meilleure tradition du Völkischer Beobachter et de la Pravda. Or, cette conduite, aux termes de la législation française, à laquelle ce quotidien est soumis, est parfaitement légale, dans la mesure où elle ne relève ni de la diffamation personnelle (dans le système juridique bourgeois, un Etat, représentant de très nombreuses personnes, dispose paradoxalement de moins de droits qu’un individu isolé), ni des cas classiques d’incitation à la haine raciale (en dépit de l’énorme non-dit néocolonial que convoie ce mensonge grossier sur le sens de la démocratie qui habite l’électorat du premier parti de masse hongrois).
Si la démocratie doit avoir un quelconque avenir en Europe, tôt ou tard, au lieu de sermonner V. Orbán du haut de leur inconscience et/ou de leur duplicité, les élites progressistes des pays d’Europe occidentale devront suivre son exemple et rendre la propagande punissable dans l’intérêt de la liberté d’expression individuelle. Ce jour est naturellement extrêmement loin de nous, l’opinion occidentale gauchiste réussissant jusqu’à présent à vivre massivement dans un univers schizoïde où les multinationales sont réputées capables d’acheter des gouvernements entiers (pour leur faire avaliser des technologies OGM, etc.), mais sujettes à des scrupules bien inexplicables quand il s’agit de prendre le contrôle de groupes de presse…
Que faire en attendant le réveil ?
Eh bien, par exemple, documenter la criminalité journalistique en cours !
J’ai donc décidé de dresser cette liste des

Titres de presse participant à la campagne de diffamation oligarchique
lancée contre la Hongrie,

notamment :
A. par amalgame des thèmes sociétaux/civiques et économiques : le « truc » le plus grossièrement récurrent consiste à inclure (souvent dans la même phrase) la décision de ramener la banque centrale hongroise sous un plus strict contrôle démocratique dans des énumérations de « conduites déviantes » du gouvernement FIDESZ (en matière, notamment, de « liberté de la presse » et de pluralisme politique).
B. par amalgame FIDESZ/Jobbik : ici, « l’épice » la plus prisée est la nomination (potentielle – oublie-t-on systématiquement de préciser – et par une autorité municipale) à la tête d’un théâtre de Budapest (un sur plusieurs dizaines…) d’un écrivain et dramaturge de talent, par ailleurs connu pour cultiver un style parano-antisémite (à mon humble avis porteur d’auto-discrédit) à la Céline ; la municipalité en question étant de couleur FIDESZ, on présente allègrement cette nomination potentielle comme une nomination effective, et décidée au plus haut degré de la hiérarchie politique…
C. par copier/coller d’« information » de provenance non-identifiée comportant des jugements de valeur sur la politique du gouvernement hongrois ; la grande majorité des « correspondants » signant ces « articles » n’étant pas locuteurs du hongrois, leur « information » dépend énormément des propos (généralement invérifiables pour eux) des rares blogueurs hongrois qui écrivent en français (très souvent des intellectuels cooptés par les « fabriques à démocratie » de l’Ouest, déçus du dernier spoil-system administratif après avoir amplement profité des précédents, et hurlant par conséquent au loup) ; compte tenu de la quasi-simultanéité de parution des quotidiens (que je consulte sous forme électronique) et des posts de ces derniers, retracer la généalogie de ces intoxications relève le plus souvent du problème de l’œuf et de la poule. Mais il semble évident qu’une communication bidirectionnelle existe entre ces deux dimensions de la manipulation médiatique (le blogueur/activiste qui rentre d’une manif de trente personnes, écrit sans frémir « nous étions des milliers ce soir » à l’abri de l’impunité – légitime – qu’offre la liberté d’expression et le journaliste coopté d’un grand titre de presse qui va reproduire ses propos, sans toujours en citer la source…) – confirmant mon intuition récente de l’inanité du pseudo-clivage idéologique souvent décrit entre « médias Gutenberg » et blogosphère (cf. http://korkorezhau.blogspot.com/2011/12/regard-sur-louest-pourquoi-et-comment.html).
D. par appel non-motivé à l’ingérence politique dans les affaires hongroises.

HU : Az újságírói deontológiát megsértő, a magyar kormányt súlyosan rágalmazó és/vagy magyar belügyekbe való külső beavatkozásra hívó francia nyelvű újságok, csatornák, bloggok stb..

REMARQUES
*Sans réelle surprise, le titre le plus virulent et le plus dénué de scrupules est Libération, propriété d’Edouard de Rothschild et de BHL…
*Il va de soi qu’en dehors des déclarations officielles de V. Orbán ou de tel ou tel ministre (elles mêmes rarissimes, et nécessairement formulées dans la langue de bois gouvernementale), ces articles ne donnent à aucun moment la parole aux partisans du FIDESZ : on n’entend de bout en bout qu’un seul son de cloche !
*Comme elle signe une grande partie du matériel ci-dessous, le cas de Florence La Bruyère mérité une attention particulière : à lire son article ci-dessous dans Libération, on serait spontanément tenté de se la représenter post-adolescente, avec deux séjours estivaux à Budapest dans le cadre d’une université d’été sur fonds Soros, et un hongrois amplement suffisant pour commander un daïquiri en anglais au comptoir du Szimpla ; eh bien non : Florence La Bruyère est au contraire un vétéran journalistique des guerres yougoslaves, qui, il y a à peine un an et demi, signait encore, pour un magazine électronique d’ambiance plutôt altermondialiste, un article extrêmement sobre, plutôt bien renseigné et somme toute assez laudatif sur ce même gouvernement FIDESZ (http://fr.myeurop.info/2010/06/09/messieurs-les-banquiers-payez-165), implicitement (et fort judicieusement) présenté et comme révolutionnaire (faire payer les banques !), et comme assez efficace dans son conservatisme budgétaire. Entre temps, les révolutionnaires sont devenus de dangereux « populistes », et la même politique économique mène désormais l’économie hongroise au gouffre… Pour Libé, Florence La Bruyère est visiblement capable de retrouver ses yeux d’adolescente… d’adolescente néocon – s’entend…

Libération, Florence La Bruyère : http://www.liberation.fr/monde/01012379885-viktor-orb-n-ubu-roi-de-hongrie, A,B,C, à l’origine notamment du mythe des „75% des sièges avec 25% des voix”, mensonge éhonté reposant sur la confusion (pourtant rare dans l’usage francophone courant) entre votes exprimés et électeurs inscrits…

Libération, Benedek Varkonyi, http://www.liberation.fr/monde/01012379702-hongrie-l-extreme-droite-remonte-sur-scene, B

Libération, « S. Etr. », http://www.liberation.fr/monde/01012380607-viktor-orb-n-ferme-le-ban-pour-le-nouvel-an, A : c’est le texte le plus objectif de la série, et le plus récent ; le changement de masque (avec remplacement de l’épique précédente par un énigmatique « S. Etr. ») n’est probablement pas dû au hasard : le public de ce genre de superproductions n’aimant que les happy-ends, comme pour l’instant le cabinet Orbán « refuse sa démission » à Libé, on organise un « atterrissage en douceur », probablement en prélude à une courte trêve permettant de recentrer l’artillerie lourde sur d’autres objectifs immédiatement prioritaires (Syrie ?)…


FranceTV: http://www.francetv.fr/info/la-hongrie-poursuit-ses-atteintes-a-la-democratie_44667.html, A,C : techniquement, c’est probablement le pire de cette triste collection : article anonyme et sans source citée, avec des titres plus que partisans, et cette perle : « il a fait voter plusieurs lois qui marquent un recul de la démocratie. Vendredi 30 décembre 2011, il est même entré en conflit ouvert avec le FMI » ; de la véritable info de merde !

Le Parisien, Attila Kisbenedek : http://www.leparisien.fr/international/hongrie-une-serie-de-lois-adoptee-au-pas-de-charge-30-12-2011-1789773.php, A,D

20minutes.fr, Attila Kisbenedek : http://www.20minutes.fr/monde/850231-viktor-orban-isole-hongrie-sein-ue-face-usa-fmi, A,C

Sud-Ouest, Christophe Lucet : http://www.sudouest.fr/2011/12/30/peur-sur-le-danube-592682-10.php A,C,D

Le Monde : http://www.lemonde.fr/europe/article/2011/12/30/la-hongrie-adopte-une-loi-controversee-sur-sa-banque-centrale_1624457_3214.html, A, C, où le Monde devient notamment un fervent partisan du financement public des sectes religieuses...

Les Inrocks, David Doucet: http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/t/74806/date/2011-12-29/article/hongrie/, A,B,C,D

Le Soir, Jean-Paul Marthoz : http://blog.lesoir.be/lalibertesinonrien/2011/12/28/hongrie-la-derive-du-pouvoir-lance-un-defi-au-parti-populaire-europeen/, B,C, où Marthoz administre notamment des leçons de christianisme au FIDESZ…

Hu-Lala, Vincent Baumgartner : http://www.hu-lala.org/2011/12/29/une-file-interminable-pour-une-distribution-de-nourriture-a-budapest/, A,C

RFI, Florence La Bruyère : http://www.rfi.fr/emission/20111223-hongrie-manifestation-contre-le-regime-premier-ministre-conservateur-viktor-orban, B („droite populiste”)

Le Point, « source AFP » : http://www.lepoint.fr/monde/hongrie-le-parlement-adopte-une-nouvelle-loi-electorale-tres-contestee-23-12-2011-1411997_24.php, C: titre présentant la loi comme « très contestée », sans que rien dans le corps de l’article (attribué à l’AFP) n’étaye cette affirmation.

L’Express, Marc Epstein : http://www.lexpress.fr/actualite/indiscrets/honteuse-hongrie_1063658.html, A,C : « premier ministre populiste »



Contre-exemples :

La Romandie, reproduisant un matériel AFP: http://www.romandie.com/news/n/_Hongrie_l_ancien_Premier_ministre_socialiste_interpelle_puis_libere231220111512.asp: sources et citations identifiées, précision de l’information (y compris dans les aspects peu réjouissants pour la pseudo-opposition : « Bien que le rassemblement n'ait attiré qu'une centaine de personnes ») ; il est particulièrement intéressant de comparer cette utilisation du matériel AFP avec celle du Point (ci-dessus) : à coûts égaux, l’un des titres informe, l’autre manipule.

Le Figaro, AFP: http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/12/30/97001-20111230FILWWW00302-hongriele-ps-puni-des-crimes-communistes.php: idem.

Lextimes.fr, Alfredo Allegra : http://www.lextimes.fr/5.aspx?sr=666#.TwBuJxyAJXt.facebook: quoique très probablement publié avec des intentions hostiles au gouvernement hongrois actuel, cet article de la presse juridique spécialisée (comme ceux de la presse financière spécialisée, et des presses spécialisées, professionnelles en général) reste informatif ; dans un contexte capitaliste, la presse professionnelle, dans laquelle l’objectivité constitue une qualité technique dotée de valeur marchande, constitue tout naturellement un bastion de l’information non-manipulée ; dans le domaine de la presse grand public, compte tenu du monopole existant, cette valeur différentielle n’existe plus.

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