mardi 17 janvier 2012

A l’arrière des lignes fascistes : voyage sous couverture à travers le Reich Magyar (II)


Samedi, 21h : j’ai horriblement soif. Pas question de boire l’eau du robinet, qui doit être un véritable sirop de bromure et de tranquillisants (sinon, comment expliquer l’apathie de la population devant la disparition de tous ses droits démocratiques et la perte d’indépendance de la banque centrale ?) ! Je prends donc quelques milliers de forints, quelques euros pour le cas où il faudrait recourir au marché noir, et je sors dans l’espoir de me procurer une bouteille de jus de fruit ou d’eau minérale, a priori importés du Belarus ou de Corée du Nord. Tiens, à propos, quel genre de fruits consomme-t-on au Belarus ? – il faudra que je pose la question à ma collègue Florence Labruyère, de Libération, qui aura sûrement une réponse schématique à me donner si elle a séjourné au Belarus, voire extrêmement détaillée, si elle n’y a jamais mis les pieds.

A ma grande surprise, le magasin SPAR que j’avais repéré à l’angle du boulevard circulaire et de la rue Wesselényi n’est pas une simple décoration lumineuse : c’est un vrai SPAR, comme en Autriche, juste un peu moins fassbindérien, forcément. Probablement un magasin réservé à la nomenclature du FIDESZ ; pourtant, pas de contrôle d’identité à l’entrée ; un employé taciturne me barre le chemin, mais c’est pour me rappeler que l’emploi du caddie est obligatoire. A la caisse, curieusement, on me laisse payer en forints ; comment font-ils, dans ce cas, pour empêcher la populace affamée de venir dévaliser ces rayonnages bien garnis ? Tout simplement en vendant 2€ les 100g de jambon, comme à l’Ouest ? Je commence à me dire qu’un détail a dû m’échapper…

Je retrouve le boulevard Erzsébet et la morsure du froid. Mon pouls s’accélère quand je vois deux adolescentes tsiganes, en haillons, s’approcher de moi en diagonale, l’air conspirateur. Ont-elles flairé l’étranger ? Que faire si elles me demandent de les aider à fuir le pays pour gagner le monde libre ? Elles sont peut-être suivies. Et si c’était un piège ?

En fin de compte, les haillons, vu de plus près, sont des minijupes assez sexy, quoi pas vraiment de saisons, et ces pauvres analphabètes, n’ayant pas forcément conscience de vivre – surtout de nuit – les heures les plus sombres de l’histoire d’un autre peuple, voulaient juste me proposer, comme d’habitude, la pipe à 5000 forints et l’amour à 10 000. La pipe me semble un peu chère, et l’amour, à ce prix-là, c’est suspect.

D’ailleurs, comme tout occidental élevé dans les principes de l’impératif catégorique kantien et de l’indépendance des banques centrales, je suis profondément opposé à la vénalité, surtout quand elle implique un risque de MST que ma sécurité sociale française ne prendra pas forcément en charge, étant donné que cette année, j’ai pas réussi à payer la mutuelle, mais maintenant que je vais avoir ce papier super-brûlant à proposer au Monde, à Libération et à l’Huma, je sens que je vais reprendre du poil du gagnant, yeah man, je vais leur dénoncer leur race, moi, à ces magyars à la con, et, ensuite, s’ils se font priver de droit de vote dans la Commission d’Entérinement des décisions franco-allemandes, ben faudra pas pleurer, nazis de merde ! Si ça a marché pour Pierre Waline, pourquoi ça marcherait pas pour moi !

Revenu dans ma piaule, je branche mon laptop. Internet fonctionne, en réseau public gratuit (pour mieux espionner les contenus). Mon ex a encore uploadé des photos de vacance aux Canaries avec cette concentration anormale d’antimatière autour d’une Rolex qu’elle appelle « son nouveau mec », sous prétexte qu’il est grand et musclé. Je commence à regretter les péripatéticiennes du boulevard circulaire (soit péri-péripatéticiennes). Après tout, à 5000 forints la pipe… Oui mais, j’aurais quand même préféré qu’elles soient blanches. Enfin, je veux dire : hongroises. Pas par racisme, bien sûr (comment l’idée a-t-elle pu ne serait-ce que m’effleurer ?), mais juste parce que, tant qu’à profiter sexuellement de la détresse d’une jeune femme, autant qu’elle appartienne à une ethnie génétiquement destinée à l’oppression et à la violence, même si la génétique est une fausse science, et que cette ethnie n’existe même pas.

Faut dire que mon ex était blonde. Très blonde, même, platine… et curieusement, les poils de sa chatte, eux, tiraient sur le châtain. Ca devenait visible quand ils poussaient un peu, chose somme toute assez rare, comme elle se rasait souvent, ne laissant qu’un délicat quadrilatère que…. XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

Parcourant désespérément le studio à la recherche d’un kleenex qui n’existe pas (pourtant, ils feraient bien d’en constituer des provisions géantes, avant leur exclusion de l’UE !), je tombe en arrêt sur l’exemplaire du Monde que je lisais dans l’avion. Il est resté ouvert à la page de l’article de fond – voire de tréfonds – signé par Caroline Fourest, dont je reconnais, en marge du texte, la sympathique gueule de fouine. J’ai une grande sympathie pour les fouines, qui jouent un rôle très important dans la régulation à même le nid des populations d’oiseaux, un peu comme le FMI dans l’épargne mondiale. Cela dit, la comparaison a bien sûr ses limites : toutes les fouines ne sont pas titulaires d’un DESS en communication, ce qui explique peut-être que beaucoup ne scandent aucune opinion sur l’islam, le judaïsme, la famille, le monde et la Hongrie, et se contentent de puer.

Enfin, on dira ce qu’on veut du Monde, mais ça reste l’un des quotidiens nationaux les plus absorbants du marché papier. Mais une chose me turlupine : comme la nouvelle constitution hongroise définit le mariage comme « l’union d’un homme et d’une femme », ça signifie de toute évidence que leurs lois votées à la mitrailleuse doivent déjà proscrire les pratiques sexuelles homo-érotiques, l’amour entre hommes, entre femmes, peut-être même entre sociologues… et moi, là, en plein VIIe arrondissement de Budapest avec ma photo de Caroline Fourest toute gluante dans les mains…

Meeeeerde ! Là, si j’étais croyant – ou pire : chrétien –, il ne me resterait plus qu’à prier pour que les caméras probablement dissimulées dans le faux-plafond aient une mauvaise résolution. Sûrement des modèles soviétiques de récup… tant que le FMI ne leur verse pas leur tranche – de l’argent que la Roumanie et le Portugal doivent lui prêter, parce que ce mois-ci, il a eu une tuile et… bon, c’est compliqué –, ils ne risquent pas de se payer du matériel performant, c’est-à-dire occidental… à moins qu’ils ne l’importent directement de Chine ? Oh, Foutredieu ! On leur offre le GATT, et voilà ce qu’ils en font !

Mais comment peut-on être hongrois ?

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